Chaque cas de reconversion professionnelle étant unique et atypique, j’ai choisi de vous parler de John, mon ami cuisinier et propriétaire de son restaurant, le Pré-Vert.

Lorsque vous passez la porte du restaurant et que, de la salle, vous apercevez John affairé dans sa cuisine, vous ressentez comme une évidence : cette place lui va comme un gant. Pourtant, il a eu une autre vie avant, bien différente, et celle-ci est le résultat d’une reconversion professionnelle réalisée à 40 ans. J’ai voulu en savoir plus sur ses motivations, et surtout sur ce qui avait rendu cette reconversion possible.

La reconversion professionnelle : réfléchir avant d'agir

Muriel - coach : Quand nous nous sommes connus, tu étais formateur d’anglais dans un Centre de Formation pour Apprentis. Qu’est-ce qui t’a poussé à vouloir faire une reconversion professionnelle pour devenir cuisinier?

John : J’avais un peu plus de 40 ans et je crois que j’avais perdu la passion d’enseigner, surtout à un public difficile qui portait peu -voire aucun- intérêt à la matière que j’enseignais. En fait, j’en avais marre de former des gens qui n’étaient pas motivés. Je faisais ça depuis 10 ans et franchement, je ne me voyais pas continuer 10 ans de plus! Avec mon épouse, nous avons réfléchi à ce que j’aimerais faire. Me reconvertir, d’accord. Mais dans quoi?

Je me disais que je voulais faire un métier qui me plairait au quotidien, que c’était le plus important pour moi.
J’adorais faire la cuisine, je réussissais assez bien, je crois, alors j’ai décidé de me lancer et de devenir cuisiner.

Le métier de cuisinier : une passion avant tout !

Muriel : Je confirme tes talents de cuisinier amateur : tu as toujours su préparer de délicieux petits plats à tes invités, même lorsque ceux-ci arrivaient à l’improviste! Mais plus sérieusement, comment as-tu fait, concrètement, pour quitter l’établissement? la décision n’a pas dû être facile, sachant que tu devais reprendre tes études!

John : C’est vrai. J’ai une famille avec des enfants, une maison à payer, je ne pouvais pas partir comme ça, sur un coup de tête. Pour pouvoir reprendre mes études, j’ai trouvé un moyen de faire financer un CAP de cuisinier par un CIF, j’ai obtenu le CAP à presque 45 ans et voila, j’étais cuisinier! En fait, reprendre des études n'a pas été difficile.

Reprendre ses études grâce à une formation financée par l'employeur : un vrai coup de pouce!

Muriel : Ce serait intéressant que tu nous expliques précisément comment tu as pu obtenir ce financement : c’est bien souvent l’aspect qui fait le plus peur et qui freine les désirs de reconversion professionnelle.

John : Je comprends ça très bien, la sécurité financière est importante dans tout projet de reconversion professionnelle, à 40 ans comme à tout âge. Je m’y suis pris de la façon suivante :

  • je me suis rendu à mon FONGECIF, qui m’a remis un dossier avec beaucoup de documents à remplir, ce dossier permet d’obtenir le maintien du salaire pendant la durée de la formation,
  • j’ai monté mon dossier et l’ai remis à mon employeur en lui expliquant mon projet de reconversion professionnelle pour devenir cuisinier,
  • mon employeur m’ayant donné son accord, je l’ai renvoyé pour le soumettre au FONGECIF,
  • Le FONGECIF m’a donné son accord pour le financement, alors je me suis lancé pour une formation d’un an.

C’est cette sécurité financière qui a rendu ma reconversion possible et qui m'a permis de devenir cuisinier. Sans cela, à 40 ans, je ne l’aurais pas fait.

Muriel : Je te remercie d'avoir bien voulu détailler toutes ces démarches.
Comment a réagi ton employeur quand tu lui as annoncé ton intention de te reconvertir pour devenir cuisinier? Tu n’as pas craint qu’il refuse de donner son accord?

John : J’ai l’impression qu’il n’était pas trop triste de me voir partir. Il savait que ma motivation n’y était plus, et donner son accord pour mon projet de devenir cuisinier était pour lui l’assurance de me voir quitter l’entreprise sans que cela ne lui coûte quoi que ce soit, ce qui était économiquement intéressant pour lui.

Un projet solide, réfléchi et calculé pour limiter les risques

Muriel : Suite à ta reconversion professionnelle, tu es donc devenu cuisinier à un peu plus de 40 ans. D'abord salarié, tu as ensuite ouvert ton propre restaurant. De salarié à patron, il y a un monde! Comment es-tu passé de l’un à l’autre? Avais-tu les compétences requises?

John : J’ai beaucoup appris en tant que cuisinier salarié mais j’aspirais à être mon propre patron. j’avais presque 50 ans, j’avais envie de me prendre en charge et de ne plus dépendre d’un employeur. Après, l’opportunité s’est présentée : le restaurant dans lequel j’étais salarié était à vendre, mais à l’époque, je n’avais pas les moyens de l’acheter. J’ ai continué à être employé, à faire de l’intérim… et j’ai fini par y arriver.

En ce qui concerne les compétences nécessaires, je savais déjà gérer un restaurant : je le faisais déjà depuis un an ou deux. En revanche, pour tout ce qui est organisation, mon épouse m’a beaucoup aidé : prendre rendez-vous avec les banques, savoir poser les bonnes questions, trouver un comptable qui sache aussi me conseiller… son aide a été précieuse.
A nous deux, on a su poser les bonnes questions aux bonnes personnes et monter le projet.

J’ai aussi participé à plusieurs réunions d’informations organisées par la CCI (Chambre de Commerce et de l’Industrie) sur la création ou la reprise d‘une entreprise. Ça a été long, 7 ou 8 mois entre la décision d’achat et la concrétisation. Beaucoup de réunions, un montage financier compliqué, mais à la fin on a signé! J’étais cuisinier et j’allais monter mon propre restaurant!

Chez Jack - restaurant le Pré-Vert

Des aides financières et le soutien de l'entourage sont nécessaires pour bien démarrer sa reconversion professionnelle

Muriel : Devant ce beau parcours et cette reconversion réussie à 40 ans, j’aimerais savoir sur quels soutiens tu as pu compter. Tu as déjà évoqué le rôle important de ton épouse, mais j’en reviens toujours à l’aspect financier qui intéresse tant nos lecteurs. Comment as-tu fait, sans « coussin » de sécurité, puisque mis à part le financement de ta formation, tu n’as bénéficié d’aucune indemnité de licenciement, par exemple ?

John : Tout d’abord, j’ai profité d’une fin de contrat en tant que cuisinier pour m’inscrire à Pôle Emploi et j’ai monté mon restaurant en tant que chômeur. J’ai utilisé mes droits jusqu’au bout pour m’aider à démarrer avec une bonne trésorerie . Pendant un temps, j’ai pu bénéficier de ces droits en même temps que je débutais mon activité, ce qui a été pour moi une sécurité financière supplémentaire dans le cas où les comptes du restaurant auraient été dans le rouge.

Ensuite, j’ai bénéficié d’un prêt à taux zéro de la part de l’organisme « Solidarité Emploi », qui propose ce type de prêt à des gens qui veulent monter une entreprise avec un bon esprit.

Enfin, un ami m’a fait un prêt à taux zéro. Nous sommes 3 à avoir monté le restaurant : Solidarité Emploi, l’ami en question et mon épouse et moi.

Muriel : N’as-tu jamais eu peur de ne pas réussir ta reconversion professionnelle? de te planter, comme on dit?

John : On a toujours peur de se planter. Dans toute entreprise, il y a un risque que ça ne marche pas. Mais je connais le restaurant, je sais ce dont je suis capable et je connais mes limites, et les risques financiers ont été limités au maximum : le restaurant n’était pas cher et l’emprunt peu élevé. De cette façon, un échec n'aurait pas été, et ne serait pas si grave, je ne perdrais pas grand chose!
Et un cuisinier trouve toujours du travail…

Mon entourage me faisait confiance et savait que j’avais les capacités pour réussir! Seuls les gens qui ne me connaissent pas bien, eux, ont pu penser qu’il valait mieux garder un travail pour la vie et jouer la sécurité, mais ils parlaient davantage pour eux que pour moi. La sécurité de l’emploi est importante, bien sûr, c’est bien pour cela qu’il faut prendre des risques calculés.

Muriel : Aujourd’hui, ton restaurant marche bien. Qu’as-tu gagné à te reconvertir et monter ton propre restaurant?

John : J’ai envie de me lever le matin pour aller travailler, c’est une autre qualité de vie!

C’est fatigant et stressant, c’est sûr, mais ce métier comporte plusieurs facettes : faire la cuisine, gérer l’entreprise et le personnel, créer et se renouveler constamment… avec tout ça, tu es apprécié pour quelque chose que tu as fait toi-même et tu donnes du plaisir aux gens en créant. Que demander de plus?

"Fais ce que voudras" ou la liberté d'entreprendre




John : cuisinier, patron du restaurant et... musicien dans un groupe de rock!

Muriel : Comment vois-tu ton avenir aujourd’hui?

John : J’ai déjà beaucoup de travail avec le restaurant dans lequel je suis toujours cuisinier, et j’ai aussi renoué avec la formation. J’accueille en ce moment 2 stagiaires, qui suivent une formation pour adulte et qui préparent un CAP de cuisine, dans le cadre d'une reconversion professionnelle pour devenir cuisinier, comme je l’ai fait moi-même. Ces étudiants-là sont hyper motivés et passionnés de cuisine. Cuisinier est un métier que tu ne peux pas faire sans passion, c’est ce que mes stagiaires et moi avons en commun.

Pour faire vivre mon restaurant, j’organise une soirée musicale par mois. Je suis moi-même musicien et j’aime beaucoup organiser des scènes ouvertes, des concerts. J’essaie de favoriser l’expression culturelle, en offrant aux artistes une petite scène où se produire. En plus de la musique, j’aimerais promouvoir le théâtre, la poésie… Je veux créer un lieu ouvert à ce genre d’activités culturelles et ne pas me limiter à la cuisine.


Trima Jazz au Prévert

J’accueille aussi une AMAP (association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne), je confie le restaurant tous les mardi soir à des paysans qui veulent distribuer leurs produits. Je prête aussi le restaurant à « La Ruche », une association qui propose des paniers de fruits et légumes bio. La commande s’effectue sur internet et les clients viennent chercher leur panier chez moi.

J’accueille aussi dans mon restaurant un groupe de sage-femmes spécialisées dans la naissance à domicile, elles organisent une fois par mois des rencontres, des échanges et des réunions d’information avec des mères qui veulent accoucher chez elles.

Il y a beaucoup de petites causes que je soutiens grâce à mon nouveau métier. J’apprécie beaucoup de rendre ces petits services, de soutenir ce genre d’entreprises.

Muriel : A tous ceux qui rêvent d’une reconversion professionnelle et peut-être de monter leur restaurant mais qui hésitent à se lancer, qu’est-ce que tu leur dis?

John : Il faut être encouragé : cherchez le soutien de votre famille et de vos proches, voire d'un coach. C’est primordial. Travaillez votre projet de reconversion, sachez exactement ce que vous voulez faire pour ensuite chercher les moyens de le concrétiser, surtout financièrement. Il ne faut pas tout lâcher comme ça.

Les ingrédients indispensables pour réussir sa reconversion professionnelle : un projet concret et bien réfléchi, et le soutien de l‘entourage !

Muriel : Avec le recul, quel regard portes-tu sur ta reconversion professionnelle et sur le chemin parcouru?

John : Je sais que rien n’est acquis, mais j’ai bien fait de réaliser cette reconversion professionnelle, à 40 ans, et de reprendre mes études pour devenir cuisinier. Je n’ose pas penser à ce que je serais si je n’avais pas décidé de changer de métier. Ce serait bien triste! En fait, le fait que rien ne soit jamais acquis développe mon sens des responsabilités et me pousse à faire preuve d’initiative et de créativité. Je suis responsable de l’échec comme de la réussite de mon restaurant. Et quand ça marche, c’est le bonheur!

Et avant que tu me poses la question : si c’était à refaire, je ne changerais rien!

Muriel : Merci infiniment, John, de m'avoir accordé tout ce temps. John que l'on appelle Jack, d'ailleurs, patron du Prévert. Et longue vient à ton restaurant !

John, cuisinier et patron : bel exemple de reconversion professionnelle à 40 ans!

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Muriel Nottin, coach professionnel