Quand on parle de reconversion, on parle souvent de faire un choix qui va changer notre vie. Mais pour certains, le processus est inversé et ce sont les changements qui se produisent dans leur vie qui les poussent vers une reconversion, parfois même de façon brutale. C’est ce qui est arrivé à Olivier qui a eu la gentillesse de répondre à mes questions indiscrètes et de me laisser partager ses réponses avec vous. Vous le connaissez d’ailleurs peut-être sous le pseudonyme d’Eurêka, auteur-interprète de slam dont le clip "Le Mystère de la Chambre Rose" a ravi bon nombre de parents !
Bonjour Olivier, pourriez-vous vous présenter en quelques lignes à nos lecteurs ?
Je m'appelle Olivier, je vis à Lyon et je suis auteur-interprète de slam sous le pseudonyme d'Eurêka. Après un bac L, je rêvais d’être scénariste de cinéma pour le plaisir de raconter des histoires aux gens. J’ai donc intégré une école d'audiovisuel. Comme le cinéma ne semblait pas vouloir de moi, j’ai finalement atterri dans le milieu de la radio, où mes compétences techniques étaient reconnues. J’ai commencé à y travailler comme journaliste, tout en sachant bien que mon désir de raconter des histoires n’était pas assouvi.
Quand on échange avec vous, vous communiquez un enthousiasme manifeste à propos de votre nouveau métier de musicien, comment avez-vous choisi cette voie plutôt qu'une autre ?
J'ai toujours aimé raconter des histoires. Adolescent, je me suis essayé à différentes formes de narration: des pièces de théâtres, des nouvelles, des scénarios de BD,... Un jour, j'ai découvert le slam à la radio, et j'ai compris que la poésie oralisée était un excellent moyen de raconter des histoires, puisque le rythme des mots et des instrumentaux permet de tenir l'intérêt de celui qui vous écoute. J'ai donc commencé l'écriture du slam comme loisir.
Et puis, en octobre 2015, j'ai vécu une rupture amoureuse extrêmement violente. J'ai donc eu deux choix :
dépérir ou changer de vie.
J'ai choisi la deuxième option !
Le slam était là, dans mes cartons d'adolescent. Je lui ai demandé de me sauver la vie, il a accepté.
En plus d'être enthousiaste, vous semblez aussi avoir les pieds sur terre. Pourtant, le métier de musicien est souvent vu comme un métier de rêveurs qui n'ont pas le "sens des réalités" et notamment des "réalités" financières, comment avez-vous géré cet aspect financier qui nous préoccupe tant ?
Pour commencer, je n'ai pas démissionné du jour au lendemain ! J'ai commencé par créer mon label musical, ce qui m'a permis d'avoir une vision nette de ce que je dépensais et de ce que gagnais avec ce projet artistique. Beaucoup de gens se sont étonnés que je franchisse si tôt cette étape de la création d'entreprise, et la voyaient plutôt comme un aboutissement. Pour moi au contraire, c'était un premier jalon indispensable sur le plan psychologique, une façon de me dire : "Ça y est, maintenant, tu ne rigoles plus, tu fais de la musique en tant que professionnel !"
Lorsque j'ai constaté que mon premier exercice était encourageant, que l'album se vendait très bien et que les demandes de concerts affluaient, j'ai estimé que j'avais un nombre suffisant de "feux verts" pour quitter mon emploi et me lancer dans le grand bain.
Beaucoup de nos lecteurs sont gênés dans leur changement de vie par un entourage réticent voire décourageant, comment cela s'est-il passé pour vous ?
Je savais que je devais réussir et que je n'avais pas d'autre choix, point barre. C'était une question de survie.
Je me suis davantage focalisé sur les encouragements que je recevais de la part du public que sur les inquiétudes de mon entourage.
J'ai aussi eu la chance de croiser la route d'un entrepreneur qui m'a dit un jour : « Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi ceux qui veulent faire la même chose, ceux qui veulent faire le contraire et l’immense majorité de ceux qui ne veulent rien faire. » Confucius.
Cette phrase m'a aidé à prendre du recul sur certaines réflexions désagréables que l'on m'a faites à ce moment-là.
Le premier album d'Eurêka "Le Meilleur pour la Fin" est sorti ?le 31 octobre 2016 sans l’aide d’aucun réseau de distribution, quel bilan faites-vous de votre activité de musicien aujourd'hui ?
D'abord, cette vie me rend heureux, et c'est le plus important.
Sur le plan financier, je vis aujourd'hui à 100% de ma musique. Principalement grâce aux concerts, mais aussi aux ateliers d'écriture slam que j'anime dans des collèges, des lycées, des hôpitaux ou des prisons. Les ventes d'albums (1000 exemplaires en 6 mois [ndlr]), quant à elles, sont plutôt un instrument de mesure de satisfaction du public, qu'une réelle source de rémunération.
Mon souhait est aujourd'hui de passer d’un rayonnement local à un rayonnement national. J'ignore si j'y arriverai, mais je vais tout faire pour !
C'est en effet une belle réussite, comment avez-vous procédé pour en arriver là ?
J'ai commencé par me former assidûment auprès d'un professionnel du secteur musical qui m'a tout appris de l'industrie du disque et du spectacle : ses métiers, ses rouages, ses pièges, ses mœurs professionnelles, ses modes de rémunération. Cette formation, extrêmement concrète, se déroulait sous forme de webinaires interactifs sur Internet et avait l'immense avantage de ne rien cacher des réalités difficiles du marché de la musique, tout en soulignant aussi les meilleurs moyens de s'y développer aujourd'hui.
Ainsi, poussé par le désespoir, j'ai mis en application le contenu de cette formation pendant dix mois, jour et nuit, sans relâche, prenant à peine le temps de manger et de dormir... C’était une façon de redonner un sens à ma vie. J'ai d'ailleurs fait deux malaises dans mon appartement au cours de cette période; je n'en tire aucune fierté, mais cela illustre bien à quel point j'étais habité par cette urgence de réussir !
Face au "tout rationnel" de notre société actuelle, nous tentons souvent de prédire l'avenir, de le planifier, de le mettre dans des cases, et pourtant, la vie ne se passe jamais comme on l'avait prévu ! Loin de l'angoisse que cet effet de surprise suscite chez beaucoup, vous semblez vous en amuser en introduisant des "twists" dans chacune de vos chansons. Simple jeu ou philosophie de vie pour vous ?
Le concept du "twist" m'a été inspiré par le cinéaste M. Night Shyamalan (Sixième Sens, Incassable, Le Village, et plus récemment Split). C'est avant tout une marque de fabrique pour que le public se souvienne de moi. Mais je m'aperçois qu'il fait écho à ma vision de la vie, qui consiste à penser que l'univers se rééquilibre en permanence pour nous ramener sur le chemin pour lequel nous sommes faits, même si notre ego ne l'accepte pas toujours. Lisez "Le pouvoir du moment présent'" d'Eckhart Tolle, vous comprendrez ce que je veux dire !
Pour terminer, si vous aviez un message à adresser à nos lecteurs en voie de reconversion, quel serait-il ?
Regardez mon dernier clip, "Une Autre Chance" ! Il raconte l'histoire d'une reconversion célèbre, qui m'a personnellement beaucoup inspirée et bluffée, saurez-vous deviner de quelle personnalité française il s'agit ? La réponse, comme d'habitude, est à découvrir à la fin du morceau !
Merci Olivier pour ce partage d’expérience sincère et inspirant au sujet de votre changement de vie. Et à bientôt sur scène aux alentours de Lyon ou ailleurs !!
Annabelle pour Cap Cohérence