Parmi mes clients qui songent à une reconversion professionnelle, plusieurs mentionnent l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) comme un secteur vers lequel orienter leur démarche. En effet, l’ESS représente un univers dans lequel les valeurs de justice sociale, de solidarité, d’utilité sociétale et de liberté semblent pouvoir s’épanouir plus facilement. C’est donc naturellement que les personnes qui veulent travailler au service de leurs valeurs se tournent vers l’ESS. Cependant, je constate que cet univers de l’ESS est souvent méconnu et je voudrais partager dans cet article quelques éléments de réflexion pour vous permettre d’évaluer la pertinence de ce secteur de l’économie pour votre évolution de carrière.

L’Economie Sociale et Solidaire, c’est quoi ?

Il est important de comprendre, que, initialement, la notion « d’économie sociale » fait référence à un statut juridique. Sur cette base, la loi de 2014 relative à l’économie sociale et solidaire pose la définition suivante : il s’agit d’un « mode d’entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l’activité humaine » auquel adhèrent les personnes morales de droit privé qui respectent les conditions suivantes :

- un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices,

- une gouvernance démocratique prévoyant la participation des parties prenantes aux réalisations de l’entreprise,

- une gestion ayant pour objectif principal le maintien ou le développement de l’activité de l’entreprise,

- une utilité sociale clairement recherchée.

La loi inclut de plein droit dans cette définition certaines structures juridiques (coopératives, mutuelles, associations, ...) et y ajoute les structures d’autres natures juridiques qui respectent ces 4 conditions.

L’ESS répond-t-elle à vos aspirations ?

Sur la base de cette définition, vous pouvez être attiré par l’idée de travailler dans une entreprise dont les statuts intègrent un fonctionnement éloigné des entreprises capitalistes classiques pour lesquelles vous avez peut-être déjà travaillé. Cette logique à lucrativité limitée avec gouvernance démocratique (1 personne = 1 voix) peut en effet correspondre à vos valeurs. Si c’est le cas, le monde de l’ESS est effectivement à explorer.

lucrativite limitee

De plus, vous êtes peut-être à la recherche d’un emploi dans lequel vous trouverez du sens, qui vous permettra de contribuer à notre société et de vous sentir utile. Avez-vous défini ce que cela signifie pour vous ? Par quels types d’activités passe ce sentiment pour vous ?

Dans le cadre de l’ESS, l’utilité sociale est définie par 4 objectifs possiblement poursuivis par l’entreprise :

  1. Le soutien à des personnes en situation de fragilité (accompagnement économique, social, médico-social, sanitaire, lutte contre l’exclusion)
  2. La préservation et le développement du lien social et de la cohésion territoriale,
  3. L’éducation à la citoyenneté et la réduction des inégalités sociales et culturelles,
  4. Le développement durable, la transition énergétique, la promotion culturelle ou à la solidarité internationale, dès lors que cela contribue également à produire un impact de l’ordre d’un des 3 premiers points.

Est-ce qu’un de ces objectifs fait sens pour vous ? Lequel ?

La quête de sens prend des formes différentes pour chacun et il me semble important de ne pas se laisser leurrer par les définitions normalisées de ce qui a du sens pour revenir à ce qui vous fait vibrer vous, personnellement. C’est une des premières choses que nous travaillons en coaching sur ces types de sujet. Ensuite, si la notion de bien commun, d’intérêt général, vous tient à cœur, alors travailler dans l’Economie Sociale et Solidaire prend tout son sens.

Travailler dans l’ESS signifie-t-il changer de métier ?

D’après les derniers chiffres de l’observatoire national de l’ESS, 2.6 millions de salariés travaillaient dans l’Economie Sociale et Solidaire en 2018, soit 14% des emplois du secteur privé. Certes, c’est loin d’être une majorité des emplois, mais la tendance est à la hausse depuis plusieurs années et les 155 000 entreprises recensées donnent de nombreuses opportunités pour celui qui veut travailler dans un cadre différent.

Par ailleurs, contrairement à ce qu’on imagine quand on connaît peu le sujet, l’ESS emploi des personnes aux multiples métiers. On y trouve aussi bien des travailleurs sociaux que des directeurs financiers ou des responsables de la communication. Vous n’aurez donc pas nécessairement besoin de changer de métier si celui que vous exercez vous plaît et que vous souhaitez uniquement modifier les finalités pour lesquelles vous l’exercez ou le cadre organisationnel dans lequel vous travaillez.

Si, en revanche, vous voulez en profiter pour changer aussi vos tâches quotidiennes, voici les secteurs qui emploient le plus dans l’ESS en 2021 et qui pourront vous donner des idées de métiers potentiels:

  • L’action sociale (aide à domicile, service à la personne, psychologues, éducateurs spécialisés)
  • L’enseignement et la formation (dans établissements Catholique, structures d’enseignement professionnel et écoles de musique et d’art)
  • Les activités financières, bancaires et assurances (cadre commercial, cadre des services administratifs et financiers, …)
  • La santé (infirmiers, aides-soignants, médecins, cadres administratifs,… dans les hôpitaux, mutuelles, maisons de retraites, fondations,…)

Ajoutez à cela, les secteurs du sport, du loisir, des arts et du spectacle, et vous aurez l’embarras du choix !

Comment trouver un emploi dans l’Economie Sociale et Solidaire ?

Il existe de nombreux canaux pour trouver un travail dans l’Economie Sociale et Solidaire, il vous suffit de faire cette requête dans un moteur de recherche pour vous retrouver noyé. Je vous propose donc un extrait des canaux qui m’ont paru les plus complets pour démarrer vos recherches de manière ciblées:

Si vous avez d’autres canaux à partager avec nos lecteurs, n’hésitez pas à les partager en commentaire, c’est toujours bienvenu !

Et si j’attendais trop de ce changement ? Attention aux pièges de l’ESS

Que les salariés du secteur économique « classique » se rassurent (ou se désolent), j’ai aussi des clients qui travaillent dans l’ESS et qui n’y trouvent pas l’épanouissement recherché ! Tirant profit de leur expérience de l’Economie Sociale et Solidaire, et de la mienne en tant qu’observatrice de l’être humain, j’aimerais enfin partager avec vous quelques remarques…

Le premier argument qui fait hésiter les salariés à basculer vers l’ESS est souvent le salaire. Effectivement, dans l’ESS, les notions de prime variable, d’intéressement, de PEE et autres avantages financiers ne sont pas dans l’ADN des entreprises et donc rares. Si on s’en réfère au statistiques, les salaires ESS sont également inférieurs aux salaires hors ESS, simplement à cause de 2 phénomènes : d’abord les salaires, à poste équivalent, sont généralement moins élevés ; et surtout, les métiers centraux de l’ESS sont (bizarrement ?) moins bien valorisés dans notre société.

Mais ce débat sur le salaire me paraît bien loin du vrai sujet qui pose problème et dont peu osent parler, par pudeur ou par honte : le retour sur attentes !! On en parle ?

Je suis sûre que vous connaissez bien ce phénomène : vous vous engagez avec un grand enthousiasme et de grandes attentes dans un projet, et, manque de bol, la réalité du projet s’éloigne de vos attentes vous laissant avec une grande déception, d’autant plus difficile à reconnaître que votre enthousiasme était grand. Le mécanisme du burn-out est alors en place pour vous cueillir.

C’est malheureusement ce qui se produit souvent dans les métiers dit « de vocation », et qu’on observe également dans l’Economie Sociale et Solidaire. On se dit que travailler dans une entreprise où l’humain prime sur l’argent va forcément teinter positivement les relations dans l’entreprise, on se dit que travailler pour une cause juste va nécessairement nous donner le sentiment du devoir accompli au moment de s’endormir le soir, on se dit que faire un travail utile va nous donner envie de sauter du lit le matin…Et finalement, après quelques mois, quelques années, on se sent usé, vidé, aigri et on s’en veut. Pourquoi ? Parce que trop de bonnes intentions mènent en enfer ? Non, juste parce que les intentions ne font pas tout.

Voilà les quelques observations que j’ai pu faire et ce que j’ai vu mes clients faire pour s’en sortir par le haut :

  • Donner la priorité aux humains plutôt qu’à l’argent est un principe louable, mais quand on oublie qu’une entreprise doit dégager des profits pour fonctionner, ce sont tous les salariés qui finissent par en souffrir. Il est donc important de vérifier que l’entreprise pour laquelle vous allez travailler à un modèle économique solide qui saura vous récompenser de vos efforts sur la durée sans attendre de vous des sacrifices vains (exemples vus : non respect du droit du travail notamment sur les horaires, parcours d’intégration inexistant,…).
  • Décréter un principe démocratique dans l’entreprise, avec des décisions basées sur un système de valeurs en fait rêver plus d’un. Dans les faits, ce principe aboutit parfois à un flou dans les objectifs, à un chaos dans les prises de décision, à une succession de projets démarrés et jamais finis. Pour vous prémunir de cette dérive, vérifiez que votre futur manager (ou au moins quelqu’un !) a une feuille de route claire, qu’il a bien mesuré les ressources nécessaires pour gérer la charge de travail associée, et qu’il peut citer des projets concrets ayant aboutis récemment.
  • Travailler avec des personnes qui partagent vos valeurs est une base intéressante pour vos relations. Mais cela ne signifie en rien que vous allez fonctionner facilement ensemble ! D’abord parce que vous n’associez pas forcément les mêmes comportements à ces mots valises que sont les valeurs (exemple : qu’est-ce qui vous fait dire que quelqu’un est altruiste ? que doit-il faire pour cela ?), beaucoup de malentendus vont découler de cette différence avec vos collègues. Et deuxièmement, parce que nous restons des êtres humains tiraillés par nos contradictions et limités par nos facultés de communication, ce qui engendrent de nombreux problèmes relationnels, indépendamment du cadre de travail. Acceptez que les relations au travail dépendent en partie de votre attitude et cherchez à développer les comportements qui vous aident, dans la limite de ce qui vous appartient.
  • Occuper un travail d’utilité sociale peut apporter un sentiment d’accomplissement, c’est vrai. Mais ce n’est pas systématique et nombreux sont les travailleurs de l’ESS confrontés à des bénéficiaires ingrats ou manifestant des comportements décevants par rapport à ce qui était espéré. Si vous vous lancez dans ce secteur par altruisme, faites attention à ne pas rentrer dans le mécanisme du sauveur et à garder une certaine lucidité sur ce qui dépend de vous et ce qui n'en dépend pas. (ex : le coach altruiste)

Pour celui qui veut mettre des valeurs fortes au centre de son travail et soutenir un système économique d’une logique différente du système dominant, l’Economie Sociale et Solidaire a de belles perspectives à offrir, c’est un fait. Ceci étant posé, les problèmes humains sont les mêmes partout, nous ne pouvons pas y échapper, nous ne pouvons qu’apprendre à y réagir différemment, c’est d’ailleurs souvent la première chose que nous faisons en coaching. ;°)

Il convient donc de commencer par vous interroger sur ce que vous voulez vivre, ce qui compte pour vous, ce à quoi vous voulez contribuer. Puis, à évaluer les écarts avec ce que vous vivez aujourd’hui : y a-t-il des changements internes qui suffirait à obtenir ce que vous cherchez là où vous êtes ? Si ce n’est pas le cas, quel que soit le changement externe que vous allez opérer, sachez rester ferme sur vos appuis et souple dans vos attentes, votre travail ne parle que de ce que vous faites au quotidien, pas de ce que vous êtes, ne vous y trompez pas. :)

Au plaisir de vous accompagner dans votre cheminement professionnel,

Annabelle pour Cap Cohérence