Il y a quelques semaines de cela, je vous proposais sur Cap-Cohérence, les différentes étapes clés d’un projet d’expatriation réussie, en insistant sur l’attention particulière à apporter à la planification préalable du projet. Pourtant, parfois, malgré une méticuleuse préparation, force est de constater que tous les expatriés qui réalisent leur projet ne sont pas toujours pleinement heureux de leur nouvelle vie.

Alors, quels sont les secrets d’une expatriation épanouissante ? Quelles sont les conditions favorables et indispensables à un changement de vie réussi à l’étranger ?

A travers les témoignages de personnes que j’ai accompagnées en coaching (dont je reporte quelques extraits) et qui ont vécu les délices et les affres de l’expatriation, volontaires ou contraints, j’ai recueillie des constantes qui constituent des critères de succès d’intégration dans un nouveau pays. Leurs témoignages nous éclairent sur les facteurs qui déterminent les conditions de vie d’un expatrié heureux, loin de ses repères habituels.

Alors qu’est ce qui rend l’herbe du voisin plus verte et plus luxuriante de celle de notre bon vieux plancher des vaches ?

Voici les quelques secrets qu’il faut connaître afin que votre choix d’expatriation soit bien le rêve devenu réalité !

1.Témoignages d'expatriés: heureux...et moins heureux !

Francesco, italien expatrié en Allemagne, 35 ans

«J’ai décidé de quitter l’Italie pour faire une expérience à l’étranger. Je venais de terminer mes études. Je voulais me confronter avec la liberté et l’autonomie tout particulière que procure la découverte d’un nouveau pays. Berlin est magnifique, j’y ai immédiatement aimé l’ambiance, la vivacité, l’efficience de ses infrastructures, la façon de travailler des Allemands, la qualité de vie. J’étais vraiment bien ! J’ai rencontré ma compagne, je me suis fait d’excellents amis. J’y ai même fondé ma boîte ! Mais quand mon couple s’est effondré, j’ai subi un contrecoup : ma famille était loin, je n’allais pas bien du tout. Je décidais alors de renter en Italie après 5 années passées en Allemagne !»

Jérôme, français expatrié en Tunisie, 34 ans

«En 2001, je fût recruté au poste de Responsable Qualité par une PME spécialisée dans l'assemblage de cartes électroniques. Rapidement, elle me « détache » en Tunisie pour l’ouverture d’une nouvelle filiale, puis me propose le statut d’expatrié. En 6 ans, nous passons de 30 à 250 personnes. Les 10 premiers jours, ça se passait bien : bel appartement, climat très agréable, nouveau défi professionnel très stimulant mais très vite je me rends compte que l’entreprise n’a pas mis en œuvre les moyens nécessaires pour permettre au personnel expatrié de s’implanter. L’encadrement est Français, les ouvriers Tunisiens. Certains ne parlent pas le Français même s'ils sont peu. Aucun cours de langue arabe n’est prévu. L’entreprise est ensuite rachetée par les Américains qui imposent une charge de production majeure et une augmentation de personnel de 20%.Aucun service RH n’est mis en place ! C’est le choc des cultures ! Des conflits éclatent. Aucune mesure n’est prise par le siège Français. On se sent abandonnés. En 2008, je décide de rentrer, épuisé bien que satisfait d’avoir su gérer des situations critiques et complexes et prendre des décisions efficaces en toute autonomie ! J’ai été remplacé par un ingénieur local. »

Silvia, italienne expatriée en France, 33 ans

« Mon expérience à Paris fût passionnante. Vivre la ville lumière. Mon mythe ! J’avais 25 ans, envie de bouger, d’enrichir mon CV professionnel ; je voulais aussi devenir autonome, me débrouiller seule, sans mes parents ! J’avais étudié le Français à l’école. Je voulais progresser plus vite dans le schéma de carrière que je m’étais fixée ! Tout se passa bien les 2, 3 premières années : je décrochais un super job dans une grande boîte de pub, avec responsabilité d’entrée de jeux, ce qui boostaient mon envie de carrière. Et puis, les premiers signes du malaise : mésentente avec mon compagnon sur des aspects banals du quotidien Nos différences de culture, de mentalité même sur des détails créaient des conflits interminables. Nos amis…c’était les siens ! J’ai commencé à me demander ce que je faisais là ! Je ne me retrouvais plus, dans cette ville qui me semblait froide, impersonnelle. Milan me manquait, mes parents, mes amis d’avant. Mes habitudes»

2. L'expatriation: une réflexion sur soi et sur ses attentes avant tout !

Non, l’expatriation n’est pas toujours un long fleuve tranquille mais une source de remises en question, de contrastes émotionnels forts, de vécus mouvants dans le temps et d’un individu à l’autre ! Mais ce sont bien ces particularités qui en font toute sa richesse : elle constitue une opportunité unique de se découvrir soi-même, un apprentissage de la relation aux autres et au monde exceptionnel, une occasion rare de se confronter aux grandes richesses et ressources personnelles que nous possédons et que nous ignorons parfois mais aussi de mettre en lumière nos limites pour mieux les vivre.

Vous trouverez donc ici les secrets qui vous porteront sur le sentier dévoilé des expatriés heureux, parce qu’en harmonie avec leurs désirs, cohérents avec leurs besoins et leurs valeurs, à l’écoute de leurs exigences profondes et du contexte dans lequel ils se sont insérés.

Mais avant… répondons à une question cruciale :

3. Alors... Qu'est-ce qui cloche ?

Quels facteurs, quels aspects perturbent voire empêchent une personne de bien réussir son expatriation ?

3 critères déterminants:

  • 1er critère : les conditions externes du choix de l’expatriation : celle-ci est-elle librement choisie et décidée ? (un projet que vous aviez envie de réaliser, une opportunité professionnelle ou personnelle qui se présente à vous et que vous attendiez, une décision mûrement réfléchie, un « coup de tête …raisonné »)
    L’expatriation est-elle subie passivement ? (vous êtes muté, on ne vous demande pas votre avis, vous êtes obligé d’obtempérer sous peine de représailles professionnelles. Autre cas de figure, vous êtes la/le conjoint d’une personne qui elle, est mutée à l’étranger, vous devez suivre votre conjoint).
    Cette expatriation est-elle acceptée même si elle est subie ? (vous décidez de faire votre cet événement qui vous est infligé et vous l’envisagez comme une opportunité pour évoluer).
  • 2ème critère : les conditions externes de l’expatriation : elles sont constituées de l’ensemble des aspects matériels qui vont jalonner le parcours du futur expatrié jusqu’à son intégration définitive sur place.
    La prise en compte de la situation familiale impacte sur les conditions matérielles qui sous-tendent la réussite de votre changement de vie à l’étranger : partez-vous seul ? En famille ? En couple ? Voilà une petite réflexion qui va orienter profondément l’organisation, le budget et les attentes liées à votre départ.
    Les conditions externes sont autant de facteurs de réussite qui vont contribuer à votre bien-être en tant qu’expatrié. Elles guideront votre réflexion tout en vous interrogeant sur leur importance sur votre « échelle de priorités » :
    - La qualité de vie : c’est-à-dire la facilité d’installation et d’intégration dans le pays d’accueil, (logement, transports publics et privés, adéquation des infrastructures, vêtements, courses, santé, climat…), la facilité de se faire des amis et d’avoir une vie sociale riche et enthousiasmante.
    - La situation économique et financière : le pouvoir d’achat auquel vous, expatrié, aspirez une fois sur place et auquel vous pourrez accéder, le revenu que vous obtiendrez de par votre nouveau poste, le potentiel d’évolution de celui-ci et les perspectives financières qui en découleront.
    - La facilitation d’accès à l’éducation pour les enfants : cet aspect concerne surtout les parents d’enfants en bas âges ou en âge scolaire mais aussi, les jeunes gens qui désirent fonder une famille. Les retraités ne feront pas ce genre de considération et privilégieront une destination où la qualité de vie relationnelle est importante et le soleil au rendez-vous !
  • 3ème critère : les conditions internes ou le regard que vous portez sur cette expatriation qui vous attend. Celui-ci est décisif et impliquant. Il conditionnera le jugement que vous ne manquerez d’avoir sur vous-même lors de votre intégration, mais aussi celui que vous porterez sur les autres. Il influencera vos comportements et votre façon de percevoir le nouveau monde qui vous accueillera. Ce regard sera, en fonction de votre positionnement interne par rapport à ce changement à l’étranger, plus ou moins positif, bienveillant et réceptif. La perception que vous aurez de l’expatriation (contrainte subie ou choix volontaire), opérera, à votre insu, comme un filtre, générateur de jugements, d’interprétations et d’actions qui composeront le pavage de votre nouveau chemin d’expatrié.

Outre le regard porté sur votre changement de vie à l’étranger, un autre facteur est à prendre en compte et à ne pas minimiser :

4. L'expatrié malheureux esten mode "survie" !

Et oui ! Passés les premières semaines, les premiers mois d’enthousiasme, de découverte, de tourisme gourmand, phase durant laquelle l’expatrié est une éponge qui absorbe tout qu’elle peut stocker …... survient le moment « M » : celui du désengorgement qu’il me plait de nommer « le moment de la restitution d’expérience » ; on rejette ce que l’on a absorbé. Ce moment peut être extrêmement positif, le vécu assimilé ayant consolidé le choix initial de changement de vie dans le pays d’accueil. Toutefois, le processus de désengorgement peut s’avérer délétère si l’expérience de l’expatriation est vécue en comparaison avec … la vie d’avant le départ. L’étalon de comparaison devient « mieux » dans le meilleurs des cas, « moins bien » dans le pire.

Le moment « M. » annonce les prémices d’une nécessité d’adaptation et de mutation individuelle. On reste Soi tout en devenant Autre. Cette phase, plus ou moins rapide et intense en fonction de l’individualité de chacun, s’opère au niveau matériel et émotionnel. Si cette phase est vécue avec turbulence, l’expatrié peut se vivre et se ressentir tel un «animal étrange», nostalgique et inadapté, en quête de reconnaissance et d’acceptation de ce qui n’est plus. En porta-faux, perdu, il entre en mode « survie ».

Il se sent pris au piège de quelque chose qu’il ne maîtrise pas.

Voilà pourquoi, si vous désirez être un expatrié heureux ou être un futur expatrié averti…la suite est pour vous.

5. Qu'est-ce qu'un expatrié heureux ?

Voici les 7 secrets qui sont autant de points communs à tous les expatriés heureux. Ils sont la garantie d’effectuer avec succès votre changement de vie à l’étranger, quel que soit votre âge, votre situation personnelle, votre parcours de vie, le moment de votre évolution :

  1. L’expatrié heureux a le sentiment de maîtriser sa vie lorsqu’il est dans son pays d’accueil et non de la subir.
  2. Il est curieux, de ce qui l’entoure, des autres et du monde.
  3. Il aime bouger ! Voyager, visiter, découvrir. Il a le « tourisme facile », il possède cette envie d’ailleurs qui le pousse à partir, ne serait-ce que le temps d’un Week-End, voire d’une journée de ballade. Il a cette appétence de liberté, de mouvement, d’espace qui le propulse vers la découverte.
  4. Il sent le désir impérieux d’un renouveau : personnel et/ ou professionnel
  5. Il a fait un choix pondéré, réfléchi et lucide : oui, l’expatrié heureux, accepte même dans la contrainte, et avec conscience, le changement qui lui est imposé et le fait sien. La contrainte disparait et devient opportunité. Bien sûr, ce travail requiert parfois l’accompagnement d’un coach et de son savoir-faire pour permettre au client de découvrir ses solutions face à la nouvelle situation.
  6. Il planifie clairement son projet et structure la marche à suivre pour le réaliser. Etape après étape, il construit son plan d’actions et ne laisse rien au hasard. Il sait toutefois que les imprévus seront légion. Aussi, il se concentre sur les aspects prévisibles du projet afin de minimiser la marge d’erreurs et les risques éventuels.
  7. Il identifie clairement ses ressources matérielles : il construit son budget, prévient ses dépenses, anticipent ses besoins, prévoit une marge de manœuvre raisonnable et pondérée.

Si vous vous reconnaissez dans plusieurs de ces 7 points, vous êtes prêt pour la grande aventure de l’expatriation et il y a de forte chance que celle-ci vous comblera malgré ces petit travers qui pourront jalonner sa réalisation. Toutefois, n’oublions pas que l’expatriation est un bouleversement identitaire, matériel et référentiel. C’est pourquoi se faire accompagner dans cette démarche est bénéfique afin d’identifier ses ressources internes et externes et d’ouvrir le « champ des possibles » afin de prendre en toute sérénité …la clé des champs !

Petit décalogue de coach:

L’auto-évaluation tu pratiqueras (identifications des conditions internes) pour :

  • Evaluer ta propre capacité d’intégration d’un nouveau contexte et celle du pays d’accueil (voir article précédente sur Cap-Cohérence) : es-tu curieux ? Flexible, socialement disponible ?
  • Evaluer ta capacité d’adaptation : es-tu ouvert, suffisamment à l’aise avec le changement ?
  • Evaluer le coût et la qualité de la vie du pays envisagé (le climat, la zone géographique d’intérêt, la législation et la fiscalité, les loisirs, la sécurité, les infrastructures, la prévention et protection sociale, les soins médicaux,…) : quels sont tes critères d’une vie épanouie ? Tes besoins primordiaux et indispensables ?
  • Identifier tes critères de choix prioritaires : qu’est ce qui est plus important pour toi ?

L’évaluation des conditions externes pré-départ tu réaliseras pour :

  • Budgéter tes besoins mensuels de départ, à moyen terme, de croisière
  • Etre au clair avec les pratiques administratives liées au départ afin que celles-ci ne deviennent pas le « Purgatoire» de ton intégration
  • T’informer sur les logements, sur tes besoins en ce sens
  • Prendre soin de ton animal de compagnie : sera-t-il accepté, à son aise sur son nouveau terrain de jeux ?

L’évaluation par un test tu effectueras pour :

  • Tester ton nouveau projet de vie : prends un congé, part et…teste ! Rien de tel pour goûter un peu de cette nouvelle vie qui t’attend que de s’immerger dedans quelques temps !
  • Commencer à penser à l’organisation de tes affaires, ce qui te servira dans un premier temps, puis lors de ton transfert définitif
  • Préparer, en amont, ton intégration et valider ton projet

6. Etre l'étranger à l'étranger, se sentir un étranger au retour dans son propre pays !

C’est le thème du débat que je vous propose et qui constituera le socle de mon prochain article. Aussi, je vous invite à me faire part de vos expériences, de votre vécu. Racontez-moi vos aventures d’expatriés heureux ou moins heureux, de votre retour au pays d’origine. Elles aideront ceux qui sont dans le doute ou dans l’indécision face à leur décision à prendre.

A très bientôt !

«Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis» Antoine de Saint Exupéry

Je remercie vivement tous ceux qui m’ont autorisé à utiliser leur expérience pour la rédaction de cet article.

D’autres témoignages :

Celia, française expatriée en Italie, 40 ans

«Les premiers temps, je me sentais une touriste pérenne à la découverte de ce pays tellement différent du mien ! Je ne parlais pas Italien mais je trouvais un emploi, en anglais, auprès d’un cabinet conseil international. Je devins « l’étrangère », avec cette petite connotation «exotique» qui accompagnait le mot : la Française ! Le petit côté « frenchy » plaisait beaucoup aux Italiens, comme dans une publicité avec Catherine Deneuve qui passait en boucle à la télévision et qui vantait les mérites d’une eau minérale ! Je devins très vite la Catherine Deneuve du quartier pendant quelques temps ! Mais, je ne parlais pas encore suffisamment la langue. Il m’était très difficile de dialoguer sans bafouiller, chercher mes mots et à la fin, abdiquer devant mes difficultés et…l’impatience des autres face à mes hésitations et à mes bévues langagières. Pendant plusieurs mois, cette barrière linguistique m’empêcha de suivre les conversations et de pouvoir échanger avec les autres sauf par monosyllabes rudimentaires voire par borborygmes ! Je me sentais une plante verte ornementale laissée dans un coin d’une pièce, une vraie potiche vivante ! Je m’interrogeais souvent sur mon identité dans ce nouveau pays, sur qui j’étais dans ce contexte-là. L’image que les autres me renvoyaient par leurs comportements me cantonnait dans des clichés culturels dans lesquels je ne me retrouvais pas !»

Françoise, française expatriée au Portugal, 65 ans

«Voici plusieurs mois, nous décidions, mon mari et moi, jeunes retraités, de nous installer au Portugal. Au début notre décision était davantage liée à un raz-le bol de la pression fiscale et une envie de vivre de nouvelle expérience, nos enfants devenus grands et indépendants. L’idée était de partager l’année entre le Portugal et notre région, la Côte d’Azur. Après une période de préparation du départ pas très simple du point de vue administratif et logistique (la paperasse de séjour, trouver une maison sur place…), nous voilà partis ! Le premier regard que nous avons porté sur le pays dès notre arrivée fût positif : on s’est retrouvé véritablement dans un pays européen avec les mêmes aspects que ceux que nous connaissions en France : signalétique routière, péages, autoroutes, restaurants, …On s’est immédiatement sentis à l’aise. Et puis les gens étaient tellement accueillants, bienveillants, curieux et empathiques ! La prise de contact fût très facile et immédiate. Et notre intégration rapide et facile. »

Myriam Diougon Blanch, Coach et consultante, membre du réseau Cap-Cohérence